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Smarties en tous genres à déguster entre amis

Bienvenue dans ce blog foutraque et dadaïste en cours de structuration...Ou pas.

Les mots de Suzanne...

Aléatoirement photographiés dans ses mémoires:

Je me souviens de mes débuts à l'école.

J'ai aimé cette famille simple et au grand cœur, malgré la vie dure de l'époque, sans confort, ni richesse, qui vivait au jour le jour, et n'avait pas d'argent d'avance.

Il y avait une vieille cuisinière noire au milieu de la pièce, mais je ne me souviens pas avoir vu ma mère faire beaucoup de cuisine, sauf le dimanche, où on fricassait un lapin à la cocotte.

Je me revois surtout avec un chapeau d'été, des chaussures de cuir, des chaussettes blanches.

On faisait des journées de dix ou onze heures, veillées dans la grange pour préparer les petites bottes de plants, choux, salades, poireaux, tomates..

On lavait le linge dans un petit ruisseau au bout du jardin, après l'avoir fait bouillir dans un chaudron, qu'il fallait sans cesse réalimenter en bois dans le foyer et surveiller.

Il y avait parfois quinze personnes à table, chacun faisait ce qu'il pouvait.

Chez la tante, nous partions deux jours et c'était vraiment une partie de plaisir, on ne pensait guère aux soucis de la guerre, car je mangeais à ma faim.

J'étais bien reçue partout, et invitée à revenir le dimanche suivant chez l'une ou l'autre. On m'avait surnommée « La Baronne de Sérillac », car autrefois la Basse-cour faisait partie du château de Sérillac, et les ruines du château existaient encore.

Quand il y avait un repas de famille, j'étais invitée à suivre les patrons. On ne faisait pas de différence. Comme l'a dit Mr Corbin depuis : « nos ouvriers étaient nos amis », et puis j'étais habillée comme toutes les jeunes filles de mon âge.

Alors elle m'achetait du tissu et me faisait faire une jolie robe pour le dimanche, surtout que nous allions à la messe tous ensemble dans la carriole.

Il y avait également des bons de ravitaillement pour le café, sucre, chocolat, et toutes les denrées réquisitionnées par les allemands.

C'est moi qui étais près d'elle au douloureux moment où la vie s'en va, et nous laisse désorientés et sans voix.

Nous étions bien habillées mais c'était uniforme, et moi j'avais la chance que des tantes de Paris nous envoient un colis de temps en temps, aussi j'avais des robes plus coquettes.

Nous n'avons pas profité de notre jeunesse. Les bals étaient interdits, donc je n'ai jamais appris à danser, et lui ne savait pas bien non plus.

Elle avait fourni du beurre en échange pour avoir du tissu pour faire ma robe de mariée, qui a été faite chez une couturière à Beaumont. En même temps elle m'avait acheté un ensemble pour le lendemain des noces, toujours en fournissant du beurre et des produits de la campagne.

Il y avait un beau soleil, un air de printemps, pas de musique, ni disque, ni cassette comme aujourd'hui, cela n'existait pas. Le transistor n'existait pas non plus, mais pendant le repas, les invités chantaient à tour de rôle, et racontaient des blagues et des histoires.

Dans le courant de l'après-midi, nous sommes partis à pied chez ma marraine et ses parents en chantant. Y étaient prévus le gâteau et le vin. Pour y arriver, puis rentrer à Chérancé, on a fait plus de dix kilomètres. Les jeunes enfants cueillaient des fleurs. C'était l'époque des violettes, pervenches, et autres petites fleurs printanières, et nous sommes tous rentrés à Chérancé chez mon parrain pour le dîner, qui s'est terminé tard. Je ne me souviens pas, mais il devait y avoir un phono, et on a eu de la musique le soir, et quelques danses.

Voilà le récit d'une belle journée, et engagés pour la vie à vivre ensemble le bon, le meilleur et le pire que la vie nous réserve.

C'était des braves gens, mais tu avais du mal à te soumettre à leur vie. Tu refusais parfois de manger deux ou trois jours en disant « je ne cèderai pas".

Tu apprends bien mais tu aimes te bagarrer avec les gars de la classe ; autrement dit, tu es dur.

Voici le récit de deux oiseaux tombés du nid, qui, avec beaucoup de volonté et d'aide ont réussi à se créer une place sur cette terre. La vie n'est pas facile, il faut s'accrocher sans cesse et avoir du courage pour arriver à un résultat. Nous avions de l'ambition ; chaque jour mieux faire et toujours des sacrifices pour à notre tour être parents et donner à nos enfants ce que nous n'avions pas eu au départ, l'amour maternel et paternel. Nous avons fait de notre mieux pour y parvenir, rendre nos enfants heureux, et je pense qu'ils seront fiers de nous.

J'écris ces lignes à soixante-deux ans, je ne pense pas être ridicule. Quand on a souffert on comprend mieux la vie. J'adore mes filles et ma petite-fille, j'aime les gens autour de moi, et le mot bonheur est un grand mot.

Et puis ce fut le départ dans la vie. Armés de courage pour arriver à gagner notre vie et débuter notre ménage.

C'était très dur après cette guerre où tout était restreint, mais il y avait du travail pour tous, et les gens étaient courageux. Le repas de mariage a eu lieu chez mes parents à Chérancé, et tous étaient ravis autour de la table bien garnie. Il y avait même du pain blanc, car nous avions réussi à nous procurer de la farine blanche pour ce jour, et mon parrain qui est très charitable avait voulu que je sois comme les autres, et que je garde un bon souvenir de ce jour.

Nous étions très mal logés, mal couchés, mal nourris, et mal payés.

Nous avions dépensé nos économies pour notre mariage, toilettes et repas de noces, et nous repartions donc de zéro.

C'est là que nous avons acheté nos premiers meubles : une cuisinière d'occasion, une table et des chaises.

Rien de plus beau pour une mère que de voir naître son enfant, entendre son premier cri et pouvoir la prendre dans ses bras. Le cauchemar était fini, nous avions un but dans la vie, un enfant à élever, habiller, éduquer, voir grandir. Découvrir chaque jour les joies, les sourires de son enfant, les premières dents, les premiers mots, l'entendre gazouiller et essuyer aussi ses larmes. J'ai eu la chance d'élever moi-même nos deux filles, puisque Francine est arrivée dix-huit mois après sa sœur. Nous étions comblés. J'ai fait les débuts avec Monique, et j'étais tout à fait débrouillarde pour élever mes deux enfants.

Ces belles années de jeunesse passent trop vite. On les voit changer chaque jour, et émerveillés de découvrir la vie.

Nous tenions à tenir notre rang de bons parents.

Deux beaux enfants roses et bien frais, pas ridées du tout et atteignant plus de trois kilos chacune.

Nous étions parvenus comme tout le monde à créer une famille et être au rang de tous.

Il y a eu les plaisirs, ainsi que les soucis, les ennuis d'argent, mais on a toujours su remonter toutes ces difficultés.

Je suis rentrée à la maison fin septembre et j'étais heureuse de vous reprendre ainsi que votre père mais hélas je n'avais pas beaucoup de force, et avais du mal à me déplacer, mais à trente et un ans on a du courage et j'ai vite récupéré.

Heureusement, j'ai eu comme consolation ma petite Valérie dont j'étais folle de joie, et heureuse de pouvoir l'élever quelques mois puisque sa mère travaillait. C'était le début de leur ménage, et cet amour-là est toujours resté au fond de mon cœur, de l'attachement que j'ai eu pour cet enfant.

Un ennui : le mot vieillesse. Ceci me fait un peu peur.

Car je dis qu'on ne peut se retourner et aller en arrière.

Je vois autour de moi des personnes plus handicapées, ou veuves, et je me demande si on a toujours la force de lutter au fur et à mesure que les années passent.

J'arrête mon récit pour ce soir. Tout est calme autour de moi, et ceci fait du bien de se souvenir de notre passé et préparer notre avenir

Mais à présent que tu te se sens sans force et épuisé, tu regrettes d'avoir tant bossé pour essayer de gagner un peu plus.

Laissons cette pauvre mère reposer en paix car sa vie a dû être bien troublée, et parfois de remords. Mais à cette époque les pauvres enfants nés clandestinement étaient rejetés et les parents de ce temps-là étaient très sévères, je pardonne.

Sur un petit carnet saumon dans lequel est minutieusement écrit tout mon développement de bébé et au delà:

7 mars 1976

Valérie a la rougeole, ses parents partent quelques jours en excursion à Londres.

Elle joue à la maîtresse, chante, danse, et connaît déjà beaucoup de chansons. Elle dit : « mémé n'y connait rien aux disques et aux chanteurs »

Elle est avec moi.

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